Les résultats des élections indiennes en quelques points


India voters in a line

India voters in a line

Les élections générales qui viennent de se conclure par la victoire sans appel de Narendra Modi laissent entrevoir une ère meilleure pour l’économie, largement anticipée par les indices boursiers qui battent leurs records à Bombay.

On s’attend en particulier à des investissements accrus dans les infrastructures et à une meilleure exécution des projets, une lutte réelle contre la corruption, et d’une façon générale, à un climat nettement plus pro-business.

 

Pour l’industrie française, une question clé sera la confirmation du contrat des Rafale avec Dassault et sa myriade de sous-traitants qui pourraient enfin entrer en Inde.

Ci-dessous quelques points clé concernant les résultats des élections.

Les élections ont vu le plus fort taux de participation (66%, 563 millions de votants!) de l’histoire indienne. A noter que les jeunes et les femmes on vote en masse pour le BJP victorieux.

Modi dit avoir tenu 437 meetings, parcouru 410,000 km et passé 410 heures (17 jours) en vol pour réaliser sa campagne!

  • Le BJP de N. Modi a remporté une victoire écrasante avec 282 sièges sur 543, au delà de la majorité requise pour gouverner. C’est la première fois en 30 ans qu’un parti remporte la majorité à lui seul au Parlement, remettant en question l’idée reçue selon laquelle les coalitions sont inévitables en Inde.
  • Le BJP pourrait former le Gouvernement sans faire d’alliances. Cependant, il a promis d’honorer ses engagements et d’intégrer ses alliés. Avec ses alliés de la National Democratic Alliance, le BJP remporte 330 sièges, bien au delà des attentes. Le BJP a gagné tous les sièges au Rajasthan, au Gujarat, et à Delhi, presque tous les sièges en Uttar Pradesh et au Madhya Pradesh, deux des plus grands états du pays.
  • Le Parti du Congrès (INC) subit sa plus lourde défaite en 128 ans d’histoire. Il a gagné mois de 50 sièges (contre 206 aux élections précédentes), et moins de 60 sièges avec ses alliés. Le Parti du Congrès a même échoué dans ses bastions d’Assam et du Kerala. Même les sièges les plus « sûrs » on été âprement disputés. Par exemple, il a été très difficile pour Rahul Gandhi, fils de Sonia, petit-fils d’Indira et arrière-petit-fils de Nehru, de conserver son siège.
  • Les partis régionaux les plus importants n’ont pas brillé non plus, à l’exception du parti régional tamoul AIADMK et de celui de l’Orissa. Ces échecs renversent l’idée largement répandue que les partis régionaux joueraient un rôle important des les coalitions à venir.
  • Arvind Kejriwal et son Aam Aadmi Party (AAP) enregistrent un score insignifiant et remportent 5 sièges. Le parti anti-corruption paye le prix de son inconséquence à Delhi où, après avoir gagné les élections locales, il a abandonné le pouvoir en quelques jours et pour des raisons futiles.

815 millions d’électeurs indiens sont appelés à élire leurs députés à partir du 7 avril


Narendra Modi

Narendra Modi

La défaite du Congrès semble acquise. Les investisseurs anticipent la victoire du BJP de Narendra Modi et misent sur une coalition pro-réformes et pro-business pour voir le pays redémarrer. Pour les investisseurs, cela replacerait l’Inde à l’avant-garde des pays émergents alors que la Chine, la Russie et le Brésil continuent à générer des inquiétudes.

Le parti anti-corruption AAP qui a pris le pouvoir à Delhi, pour y renoncer immédiatement semble condamné au second rôle mais l’incertitude réside dans la possible émergence d’un troisième front régionaliste.

Les problèmes de fond sont connus : Déficit public tiré par des programmes de subvention irréalistes, croissance insuffisante pour financer les investissements, réformes et programmes d’infrastructures bloqués, corruption généralisée, coalition au pouvoir paralysée par des intérêts contradictoires.

Si la nouvelle coalition reçoit un mandat clair, Modi fera sans doute avancer les réformes et combattra la corruption. Mais il est avant tout anti-Congrès et n’a pas publié de vrai programme économique.

A ce stade de décrépitude de la classe politique, les indiens cherchent à se reconnaître dans un leader fort qui représente un idéal national loin d’avoir disparu. Modi répond à cette attente, mais il est aussi celui qui a favorisé les violences communautaires de 2002 au Gujarat. Aussi le cœur de bien des indiens est-il partagé entre volonté de tourner la page d’un Congrès disqualifié et crainte de renier la tradition de la plus grande démocratie du monde.

Les résultats seront connus à partir du 16 mai.

A la clé pour la France, le contrat du Rafale pour Dassault et sa myriade de sous-traitants…

Quand le Ministre des Finances indien parle « hollandais »: En Inde aussi, on débat de la taxation des plus riches…


P. Chidambaram

P. Chidambaram

Comme en France, l’Inde a du mal à organiser un environnement fiscal stable et incitatif pour l’économie. Après moultes avancées et volte-faces sur la taxation des plus values d’investissements étrangers, voici que surgit en Inde un débat qu’on aurait pu croire franco-français: A l’occasion de la préparation de la prochaine loi de finances, le Ministre des Finances P. Chidambaram s’exprime dans la presse pour se demander si les « très riches » payent assez d’impôts. L’absence de définition des « très riches » alimente évidement la spéculation. Du pur François Hollande?

La croissance de l’économie indienne est attendue en baisse en 2012-2013 alors que les déficits courants et l’inflation sont en hausse. Pas étonnant donc que Chidambaram veuille combler les trous. Le Gouvernement a déjà commencé la semaine dernière en libéralisant les prix du carburant – avec un effet inflationniste attendu de 1.2% environ. Cette dernière mesure affecte directement les coûts de production, le prix de denrées de base comme les engrais  le ciment etc., et le pouvoir d’achat des plus défavorisés.

Selon Chidambaram, « l’environnement fiscal se doit d’être stable, mais nous devons tenir compte de l’argument selon lequel les plus riches devraient payer un peu plus dans certaines circonstances ». Espiègle, il ajoute: « Ce n’est pas une opinion que j’exprime, c’est seulement un argument que j’entends et que je repète ici. »  Pendant la campagne électorale française, Hollande avait déclaré à propos des hausses d’impôts annoncées: « C’est un signal qui est envoyé, un message de cohésion sociale (…), c’est faire acte aussi de patriotisme. C’est du patriotisme d’accepter de payer un impôt supplémentaire pour redresser le pays ».

On ne sait pas trop si Chidambaram parle  l’impôt sur les revenus, sur les plus-values, sur la fortune, ou même de l’impôt sur les successions qui a été supprimé par son prédécesseur  (ce que Chidambaram a publiquement regretté). A ce jour, la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu est de 30% au delà d’un million de roupies (tiens donc…), soit 13 800 euros par an. L’impôt sur le revenu ne touche « que » 35 millions de contribuables, dans un pays de 1,2 milliards d’habitants.

Comme en France, les commentaires de Chidambaram s’adressent avant tout à l’aile gauche du Parti du Congrès qui pense ouvertement que les dernières réformes annoncées (ouverture de la distribution aux investissements étrangers, baisse des subventions…) favorisent les entreprises aux depends de l’homme de la rue (pour autant que cela veuille dire quelque chose…). Le Congrès est à la veille d’élections difficiles.

Comme en France, le débat s’organise autour de l’efficacité de telles mesures: Une goutte d’eau dans l’océan du budget, la hausse d’impôts peut affecter la croissance donc les recettes fiscales, ele va encourager l’évasion…

India's 100 Richest

India’s 100 Richest

Techniquement, taxer les revenus n’est pas la meilleure approche: En Inde, les salaires des dirigeants sont souvent symboliques. par exemple, le milliardaire Mukesh Ambani (Groupe Reliance) a reçu en 2012 un salaire de « seulement » 2 ,7 millions de dollars alors que sa fortune est estimée à 21 milliards de dollars. De même, Azim Premji, fondateur du groupe d’informatique Wipro, et troisième fortune de l’Inde avec 1.2 milliards de dollars n’a reçu que 85 000 dollars de salaire.

L’Inde a 125 000 millionaires en dollars (ci-contre). Ceux-ci montent au créneau et, comme en France, ils sont divisés sur la question. Par exemple, Azim Premji a déclaré cette semaine à Davos qu’il n’était pas opposé à une taxation plus élevée des plus riches. D’autres indiquent qu’avant d’augmenter les taxes sur les plus riches, il convient avant tout de lutter contre la fraude et augmenter l’assiette fiscale.

En filigrane, se trame aussi le débat sur la corruption et les détournements de fonds dont on sait qu’ils coûtent au budget beaucoup plus que toutes les hausses d’impôts cumulées. Par exemple:

  • L’adjudication illégales de licences d’exploitation de mines de charbon sans appel d’offre a coûté 210 milliards de dollars à l’état entre 2004 et 2010
  • Le Premier Ministre de l’Eat du Karnataka est pris dans un scandale similaire pour avoir exploité des mines de fer sans autorisation et exporté la moitié de la production en Chine, coûtant plus de 3 milliards de dollars au budget fédéral.
  • Le déficit des Jeux du Commonwealth est de 4 milliards de dollars, soit 20 fois le budget initial (record mondial?)
  • On estime que la manque à gagner de l’attribution de licenses 2G sans appel d’offres par l’ex Ministre des Telecom est de 40 milliards de dollars (sans compter l’argent que le Ministre est soupçonné d’avoir touché lui-même).

corruption_quit_indiaEn Inde comme en France, il est donc fortement possible que le débat sur la taxation des plus riches soit avant tout un symbole et représente l’arbre qui cache la forêt…

Dans la discussion budgétaire qui commence, tout cela va ressortir.

La mort de Ravi Shankar nous invite à revisiter notre vision de l’Inde


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Photo: V Sreenivasa Murthy – The Hindu

La mort de Ravi Shankar nous aidera-t-elle à tourner la page? Des biographies et homages seront publiés à foison dans les jours qui viennent. Vous pouvez par exemple vous attarder sur l’article de the Hindu de ce matin ici.

Ravi Shankar a sans doute « écrit » parmi les plus belles pages de la musique hindustani. Fermez les yeux, écoutez ses longs développements sur un thème si simple, énergiques et langoureux à la fois, et vous verrez défiler devant vous les images de la Grande Inde dont Malraux disait qu’elle parle à l’ancient orient de notre âme: Les fleuves, le Gange, les villages, les enfants qui courent le long des voies ferrées, les buffles dans les mares, les paysans en dhoti qui marchent un éternel pas de danse, la nostalgie qui habite le regard des indiens, la chaleur de l’été et le temps si lent, si lent, si lent… Vous penserez au Fleuve de Renoir, au Gandhi d’Attenborough, à l’Inde profonde, nocturne et mystérieuse de Satyajit Ray et vous aurez raison.

Photo: Edouard Boubat

Photo: Edouard Boubat

Mais Ravi Shankar, c’est aussi une certaine vision de l’Inde par l’Occident, une vision romantique et spirituelle d’une Inde dont on aime croire qu’on l’a comprise ou qu’elle a transformé sa vie. Perpétuée par les artistes des années 60-70 (Edouard Boubat, Henri cartier-Bresson, The Beatles, Mahavishnu Orchestra, Yehudi Menuhin…) cette image nous laisse croire qu’il y a une beauté dans le malheur, un bonheur dans la pauvreté, un monde fataliste meilleur que le nôtre.

C’est l’éternelle ambiguité de l’Inde, où tout est vrai et faux à la fois, où rien n’est jamais clair pour nous les occidentaux.

Le meilleur hommage qu’on peut rendre à Ravi Shankar n’est-il pas d’écouter encore et encore sa musique? Ici un concert en 1963 avec Chatur Lal au tabla, avant qu’il devint si célèbre en occident. Et déjà, quel brio…

Des nouvelles d’Aakash


Pour un fois, le Gouvernement tient ses promesses.

Aakash

J’avais parlé ici même d’Aakash, la tablette PC la moins chère du monde, eh bien Aakash 2 sortira en avril 2012: Essentiellement destinée aux étudiants indiens, c’est une tablette aux spécifications très modestes, éloignées de nos standards actuels, mais qui est proposée à un prix attractif de 2 000 roupies, soit environ 40 dollars, ou encore 30 euros.  Voir ici le site d’Aakash.

Meilleurs voeux à tous mes lecteurs


Tous mes voeux de santé et de prospérité à mes lecteurs de plus en plus nombreux.
En 2012, je ferai mon possible pour publier plus d’articles.

Et cette année, réalisez votre rêve, voyagez en Inde!

Bonne année à tous!

La mort de Bhupen Hazarika, chanteur, cinéaste, poète et activiste assamais


Bhupen Hazarika

Bhupen Hazarika

Bhupen Hazarika, chanteur, compositieur, cineaste et activiste politique est mort le 5 novembre 2011 à l’âge de 85 ans. Il laisse derrière lui plus de 1 500 chansons.

Né en Assam, au Nord-Est de l’Inde, Hazarika utilisait ses talents d’artiste pour transposer dans la culture populaire les anciennes traditions et l’action politique.

A l’âge de 10 ans, Hazarika écrivait déjà ses premières chansons et donnait son premier concert à la radio. A 13 ans, il chantait dans un film assamais et accédait au rang de star mais, au lieu de se reposer sur sa célébrité nouvelle, il s’engagea dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde : « Ma musique, et plus tard mes films, représentaient déjà la colère ethnique qui m’habitait. Le révolutionnaire était né en moi. »

C’est aux Etats-Unis où il étudia qu’il rencontra Paul Robeson, fils d’esclave, chanteur et acteur. Avec lui, il s’engagea dans le mouvement pour les droits civiques. Cette rencontre eut sur lui une influence considérable.

Ecoutez par exemple Ol’Man River par Paul Robeson puis Ganga Behti ho Kyon par Bhupen Hazarika pour comprendre cette influence. Comme Paul Robeson chante que le Mississippi coule sans se préoccuper des escalves qui travaillent le long du fleuve, Hazarika reproche au Gange de couler sans se sourcier de la misère des peuples qui l’entourent. Comme toujours en Inde, il faut se méfier de l’aspect lyrique ou charmeur des musiques…Les paroles de la chanson sont traduites en anglais sous la vidéo.

Il y a aussi un vague côté chinois dans cette musique, l’Assam est très proche de la Chine.

Hazarika recut en 1992 la plus haute distinction du cinema indien, le Dada Saheb Phalke award.

Lyrics of GANGA BEHTI HO KYUN

Your expanse is unreachable, the public on both sides is wailing silently

O Ganges, why do you flow

Morality is destroyed, humanity has been corrupted

Why do you flow in this shameless way

The call of history is roaring

Oh flow of Ganges, why don’t you make the weak people stronger, make the villagers unite to fight for their rights

Innumerable people are illiterate, letterless, without food, blind,

Why are you not teaching them the path?

People stay without sufficient income, the entire society is economically challenged

Society is lifeless, why are you unaware / unfeeling of this?

Why did you not stay full of glory

You are decided, no worries

Why don’t you give inspiration to life

You are flowing through the middle, seen the villages of Kurushetra (where Mahabharat took place), mother of Bhishm (great uncle of Pandavs & Kauravs), in this new India why don’t you give birth to sons like Bhishm again?

Un sari Hermès pour le prix de 250 tablet PC…


Deux annonces font l’évènement cette semaine. Elles n’ont apparemment rien en commun mais montrent la sophistication et la segmentation croissantes des marchés indiens:

  • Hermès ouvre le premier magasin de marque occidental en Inde à destination des clientèles les plus aisées de Mumbai
  • Le Gouvernement lance Aakash, la tablette PC la moins chère du monde, à destination des clientèles les moins aisées

Ouverture du magasin Hermès à Bombay

Tout le monde se dit qu’il aurait dû y penser plus tôt, mais c’est Hermès qui le fait le premier: La marque ouvre une boutique à Bombay en lançant une gamme de saris de luxe qui coûteront… entre 4000 et 6000 euros (soit le prix de  250 tablettes PC Aakash  environ).

Saris de Luxe Hermès

Inspirés des fameux foulards Hermès, qui reprennent souvent des motifs indiens, les saris Hermès marquent la première tentative d’une marque de luxe occiendentale de créer des produits spécifiques à l’intention du marché indien.

blouse de sari

blouse de sari

Les photos ci-dessus sont peut-être susceptibles d’attirer les clientes qui rêvent d’une carrière de star, mais rares seront celles qui porteront les saris Hermès sans les blouses traditionnelles.  En Inde, il faut rester indien et porter des vêtements occidentaux – des robes qui montrent les épaules en particulier – est un signe de mauvaise vie et sera considéré comme une provocation. Seules les actrices de Bollywood peuvent s’y risquer, et encore, elles prennent un risque sérieuxde ternir leur réputation.

L’ouverture du magasin de Bombay marque la volonté d’Hermès de sortir du ghetto des hôtels de luxe où sont confinées les maques occidentales comme Louis Vuitton, Yves Saint Laurent… La marque tente d’aller à la rencontre de ses clientes  indiennes dans les situations les plus formelles, où le port du sari est de rigueur, en particulier les mariages qui drainent l’essentiel des achats de luxe en Inde. La cérémonie de mariage est devenue l’expression la plus visible de la position sociale et de la richesse d’une personne; c’est une expression que tout le monde accepte et même attend.  Une carte d’invitation peut coûter 60 dollars; multipliez le prix par 2000 ou 3000 invités et imaginez que ce n’est qu’une petite dépense parmi d’autres, vous avez une idée. En Inde, il n’est pas rare de dépenser 2 millions de dollars ou plus pour un mariage. Alors un sari à 6000 euros…

Nombreuses sont les marques de luxe qui  espèrent que le marché indien s’ouvrira de plus en plus aux standards occidentaux. Beaucoup pensent que c’est peine perdue, comme le montre la difficulté du secteur à décoller en Inde,   y compris pour les produits les plus accessibles comme les parfums et les cosmétiques. L’Inde reste au moins quinze années derrière la Chine en terme de développement du marché du Luxe et ne compte que pour 1% du marché mondial.

Lancement du Tablet PC le moins cher du monde

S’il est produit à 1 million d’exemplaires, Aakash (ciel) coûte 49.99 dollars à produire, sera fabriqué en Inde, et sera vendu 35 dollars, subvention du Gouvernement comprise. L’objectif du Gouvernement  est de « sortir l’informatique de sa cage économique » et de combler le retard des populations défavorisées en matière d’accès à internet. Avant tout destiné aux étudiants, il tourne sous Android et offre 2 GB de mémoire, le WiFi, et 2 ports USB qui permettront d’accéder à l’internet par une clé 3G.

Aakash

Aakash

Le Gouvernement a fourni 200 Aakash à des étudiants qui sont en train de le tester. Il en aurait d’ores et déjà commandé 100 000.

Nombreux sont ceux qui doutent de son succès: On n’en est pas à la première tentative, les contenus sont encore à développer, la batterie dure moins de 2 heures, comment la recharger dans des zones rurales où les coupures d’électricité sont très fréquentes? La connectivité internet (sans parler du WiFi) n’est pas disponible partout. Les circuits de distribution ne sont pas encore clairs: Le Gouvernement l’enverra-t-il aux Universités ou pourra-t-on l’acheter en magasin? Seules les applications Android pré-installées vont tourner (pas de market place…)

Bref, comme souvent en Inde, on redoute l’effet d’annonce.

Aakash montre cependant la capacité de l’Inde à relever le défi de « l’indigénisation », c’est à dire adapter les caractéristiques et les coûts d’un produit occidental aux conditions de marché indiennes: Un Tablet PC à plus de 500 dollars n’intéresse qu’une petite partie de la population; à 35 dollars, c’est un tout autre marché qui s’ouvre.

Le principal défi a été celui de la réduction des coûts: Au lieu d’importer des modules complets et de les assembler, Datawind, la société qui fabrique Aakash, a réduit le nombre de composants, les a achetés un par un et les a assemblés elle-même. L’appareil est fabriqué à Hyderabad.

Jagjit Singh est mort


Comment comprendre l’Inde sans écouter Jagjit Singh? Ecouter sa musique, c’est aussi comprendre ce qui émeut les indiens, ce qui faire bouger des foules innombrables.

Ce chanteur qui vient de s’éteindre avait offert à tous les indiens l’accès à une musique jusqu’alors cantonnée aux salons des élites, le Ghazal. Il était ainsi devenu l’un des chanteurs les plus populaires de l’Inde.  Le Ghazal est un genre poétique et musical qui chante l’amour d’une femme et glisse parfois vers l’amour mystique de Dieu. Assister à un concert de Ghazal, c’est entrer dans une intense communication entre le chanteur et la salle qui connait les paroles par coeur, reprend les refrains et encourage l’artiste à ornementer son récital.

Le génie de Jagjit Singh fut de démocratiser le style, simplifiant les mélodies et introduisant même parfois des instruments occidentaux dans la musique d’accompagnement. Il devint immensément populaire par sa capacité à susciter l’émotion, sans jamais trahir pour autant l’essence même du Ghazal.

Mais trêve de paroles, fermez les yeux, pensez à votre chéri(e) et écoutez sa musique sans retenue. Si une ou deux larmes coulent sur vos joues, remerciez en Jagjit Singh!

 

Le business du Bas de la Pyramide


Pour 50,000 roupies indiennes (un peu plus de 800 euros), vous pouvez vous offrir un cours intitulé « Marketing to the Bottom of the Pyramid » à l‘IMM Calcutta, l’une des meilleures Business Schools indiennes.Vous y apprendrez qu’une opportunité énorme réside dans les populations pauvres des économies émergentes: Plusieurs milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour et, si l’on sait s’y prendre, ces populations représentent un vrai business. Des études montrent qu’en Inde, la Bas de la Pyramide (BoP) représentera dans vingt ans un marché en valeur plus important que la totalité de la consommation canadienne ou coréenne du sud.

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L’idée est que si des entreprises privées réussissent à exploiter ce marché de façon rentable, ce seront les populations les plus défavorisées qui en bénéficieront les premières, mais qu’une approche spécifique est nécessaire, pour répondre au manque d’infrastructures, et aux comportements sociaux et de consommation de cette population.De nombreuses entreprises de grande consommation ont déjà compris ce marché et proposent aux clients indiens des produits en petits formats qui permettent de dépenser très peu à chaque achat.

De nombreuses entreprises de développent sur ce créneau. Par exemple, Micro Housing Finance Corporation, qui vient de lever 5 millions de dollars auprès d’investisseurs privés, propose des prêts immobiliers de quelques milliers d’euros pour favoriser l’accès des plus pauvres à la propriété. La fondation de Michael Dell vient également de prendre 5% de Waterlife India Pvt Ltd, une société basée à Hyderabad qui commercialise des solutions de purification de l’eau à bas coût à l’intention des populations défavorisées. Nombreuses également sont les institutions de micro-finance ou micro-assurance qui se développent et lèvent des fonds en Inde. Ces dernières exercent leurs activités avec plus ou moins de bonheur, en raison notamment de la compétence plus ou moins élevée de leurs équipes de management. La pression des institutions pour distribuer un maximum de prêts peut aussi conduire à des opérations désastreuses.

L’accès aux services financiers – bancaires en particulier – est néanmoins un point crucial pour favoriser le développement au Bas de la Pyramide. En Inde, un foyer sur deux n’a pas de compte bancaire, encore moins de carte de paiement. Sans services bancaires, la population est confinée dans l’économie informelle où dominent les usuriers et ne peut accéder à d’autres services. Les paiements en espèces, y compris des salaires ou retraites, peut aussi conduire à toutes sortes de détournements et de de corruption. C’est pourquoi le Gouvernement indien fixe aux banques des objectifs d’ouverture de comptes aux « under-banked », les populations « sous-bancarisées ». Le problème est que, pour les banques, ouvrir des agences en milieu rural ou défavorisé n’est pas rentable. La « logistique du dernier kilomètre » coûte trop cher en regard des montants déposés sur les comptes (souvent moins de 20 euros par mois). Cependant, sur le papier, ce marché est considérable: 300 millions de personnes environ.

Financial Inclusion

Pour répondre à ce défi, plusieurs sociétés indiennes ont développé des plate-formes informatiques portables qui permettent de fournir des services bancaires de base aux populations rurales de façon rentable. Installées sur un netbook ou un téléphone portable, elles sont mises en oeuvre par un commerçant local qui peut réaliser des opérations bancaires de base comme ouvrir un compte, faire des paiements etc. atyati est un bon exemple de ces sociétés: Formée par des entrepreneurs spécialistes de l’informatique bancaire, atyati a maintenant plus d’un million de clients et prévoit d’en avoir 10 millions dans 18 mois. Couplée à l’opération du numéro d’identification unique UIDI dont j’ai déjà parlé ici, elle a développé un modèle rentable et présentant toutes les sécurités nécessaires.

Il est intéressant de rencontrer les dirigeants de ces sociétés qui savent marier leur idéal d’inclusion financière (donner à tous accès aux services) et les impératifs de rentabilité d’un business durable. Leur expérience est  multi-facettes: Une grande expertise informatique, un réel savoir-faire sur le terrain (comment donner confiance à un paysan illettré qui n’a jamais vu que du cash dans sa vie?), et une maîtrise absolue des coûts pour développer des produits à des prix acceptables pour les plus pauvres.